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Vie et mort de la virilité, une idéologie de "containment" du péril féminin fantasmé


Vie et mort de la virilité, une idéologie de "containment" du péril féminin fantasmé

Olivia Gazalé, professeure de philosophie en classes préparatoires à Sciences Po Paris pendant vingt ans nous convie dans cet ouvrage passionnant à une réflexion approfondie et à mon sens pertinente sur la crise que traverse actuellement l'identité masculine.


Elle démontre ainsi que le malaise contemporain des hommes n'est pas une crise du masculin dont serait responsable, au moins en partie, la révolution féministe mais bien plutôt la crise d'un système politique, social, économique et y compris sexuel jusque là prédominant, le viriarcat, fondé sur le mythe de la virilité, une idéologie postulant l'infériorité essentielle du féminin sur le masculin, qui a longtemps autant opprimé les femmes qu'aliéné les hommes.


Aussi n'est-ce pas à la fin des hommes que nous assistons aujourd'hui, et tant mieux, mais au déclin du système viriarcal et à la dé-construction du mythe viril, selon lequel la nature a créé deux pôles dialectiquement opposé, l'un étant fait pour se soumettre inconditionnellement à l'autre.

Et l'auteure de préciser


Il s'agit davantage d'une crise de civilisation. La crise du paradigme viriliste qui a posé le principe de la supériorité masculine et théorisé un système de domination, le système viriarcal, qui n'a pas seulement postulé l'infériorité des femmes et de tout ce qui leur était corrélé mais aussi la supériorité du vir sur l'autre homme, sur l'animal et sur la nature. Une crise dont les hommes ne sont les premières victimes que parce qu'ils en étaient autrefois les uniques bénéficiaires, moyennant le tribut exorbitant qu'ils s'imposaient à eux même.

Car nul ne naît homme, il s'agit bien de le devenir


Le garçon devient un homme à travers un long travail de socialisation et le demeure en le prouvant sans cesse à travers des actes ... être un homme, c'est obéir à un faisceau d'injonctions comportementales et morales, et faire sans cesse la démonstration de leur parfaite intériorisation, si bien que la virilité constitue une sorte de performance imposée, un idéal hautement contraignant : on attend des garçons qu'ils soient forts et courageux, on leur interdit les larmes, on leur enseigne que la violence est chez eux un penchant naturel et on les envoie à la guerre mourir et donner la mort.

Et de veiller à le rester


L'homme vit une inquiétude fondamentale quand à son identité sexuée, un sentiment de menace et de vulnérabilité qui le condamne à devoir sans cesse prouver par son courage, sa force et sa vigueur sexuelle qu'il est bien un homme, autrement dit qu'il n'est ni une femme ni un homosexuel.

Et c'est ainsi que le piège s'est également refermé sur les hommes


L'infériorisation des femmes devait rassurer les hommes sur leur propre identité mais l'égarement qui a conduit à la diabolisation du féminin amplifie la double hantise masculine de castration par engloutissement dans les profondeurs du vagin et d'impuissance à satisfaire les appétits sexuels féminin.

Et il est actuellement encore accentué sur le terrain sexuel par de nouvelles exigences


Voici à présent que les hommes doivent déclencher cet orgasme féminin autrefois tant redouté. Il ne suffit plus de se dresser et d'entrer, il faut durer et faire jouir. Ce devoir de performance est d'autant plus anxiogène que jamais l'homme ne parviendra à l'extorquer de force à sa partenaire ni à s'assurer qu'il n'est pas simulé

Mais cette crise de civilisation est surtout pour Olivia Gazalé porteur d'une chance historique, pour les hommes comme pour les femmes, de sortir de ce piège létal pour la relation.


La révolution du masculin, c'est pour les hommes se libérer des assignations sexuées qui entretiennent de manière parfaitement inconsciente la misogynie et l'homophobie, lesquelles procèdent toutes deux d'une répulsion envers le féminin venue du fond des âges.
Pour changer le regard qu'ils portent sur les femmes, les hommes doivent changer le regard qu'ils portent sur eux-même. Les hommes ne se féminisent pas lorsqu'ils se montrent doux, emphatiques et sensibles, lorsqu'ils pouponnent, repassent et font le ménage, ils se réapproprient simplement le fait d'être un homme.
L'investissement masculin de la sphère privée, la réinvention de la paternité et toutes les mutations déjà opérée par les hommes sont une chance pour l'humanité, peut-être sa plus grande chance, celle d'annoncer de nouvelles masculinités, condition indispensable d'un meilleur équilibre des relations entre les deux sexes.




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