J'ai le plaisir de partager cette conférence du Dr Christophe FAURE, médecin psychiatre, proposée en 2014 dans le cadre de l'INREES, qui parle du deuil avec sensibilité et intelligence.
Le Dr Fauré explique avoir été confronté à de nombreux décès à l'occasion dès son dernier stage d'externe en 1987 à l'hôpital de l'Institut Pasteur qui recevait les malades du sida à une époque où aucun traitement n'existait. C'est en cherchant à acquérir les assises intérieures pour accompagner les personnes en fin de vie et traverser toutes ces pertes, qu'il a intégré l'unité de soins palliatifs de Villejuif, pionnière alors dans l'accompagnement du deuil.
Aujourd'hui, il intervient plus spécifiquement sur les deuils après mort violente, essentiellement par suicide, parce que se rajoute une dimension traumatique importante à prendre en compte.
J'ai particulièrement aimé cette manière, qui résonne tellement avec l'approche gestaltiste, de concevoir chaque moment du processus de deuil, chaque éprouvé singulier, subjectif comme tel qu'il doit être en cet instant, sans en faire le signe d'une pathologie du deuil tant que cela ne fait pas durablement obstacle au réinvestissement de sa propre vie.
Mais les mots de Dr Christophe Fauré sont d'une telle justesse, je propose simplement de le suivre.
D'abord, "faire son deuil" comme si l'on pouvait revenir à un état antérieur d'avant la perte, ça n'existe pas. On ne sera plus jamais comme avant. Mais cheminer dans le deuil, c'est cela dont il est question. Et je suis ancré dans la conviction qu'il y a en effet un chemin car c'est un processus : il y a des étapes et au bout, une véritable reconstruction intérieure.
Comme nous allons le voir, c'est un processus de cicatrisation psychique. Mais une autre manière d'envisager le processus de deuil, c'est de comprendre que l'enjeu est de passer d'une relation extérieure, objective avec la personne qu'on a aimé à une relation intérieure, subjective, une expérience de sa présence puisqu'elle n'est plus dans le monde. Et c'est une intégration qui prend du temps, des mois et parfois des années.
Imaginez tout simplement : vous avez un accident avec une profonde blessure au bras. Il y a une intelligence intrinsèque à notre corps qui, au-delà de notre volonté va mobiliser tout un système de cicatrisation de cette plaie. Ça veut dit qu'au bout du compte, il y aura une cicatrice à tout jamais. Mais cette sagesse vise à préserver l'intégrité, pour éviter qu'il y ait une plaie béante qui nous mettrait en danger.
Le processus de deuil c'est exactement la même chose mais au niveau psychique. Il y a une blessure extrêmement profonde et il y a en nous, au-delà de nous, un processus de cicatrisation psychique qui se met en place de façon universelle et qui vise à cicatriser cette plaie intérieure. Et là encore, il y aura toujours une cicatrice qui fera plus ou moins mal. On n'est pas dans une idée de deuil qui consisterait à oublier et à passer à autre chose, ça n'a rien à voir.
Le travail difficile qu'accomplit une personne en deuil c'est d'abord d'accepter la réalité du décès, puis ensuite d'user peu à peu la charge émotionnelle qui est associée à la perte en exprimant encore et encore son expérience devant un témoin, ami(e)s ou thérapeute, et enfin, lorsque le lien objectif rompu aura pu être subjectivement restauré à l'intérieur de soi alors, et seulement alors, réinvestir le monde extérieur et poursuivre le cours de sa vie.
Pour aller plus loin, je recommande la lecture de son ouvrage "Vivre le deuil au jour le jour ", Ed.Albin Michel, 2018.
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